Ṣṣer iman-im, a tamenɛult

Pour qu’aucune femme [kabyle] ne soit victime de violences symboliques, masculines… et de l’inconscient collectif.

 » – Di leɛnaya-m a taṭbibt, semmeḥ-aɣ !

Issuter-i-y-id Bab n tḥanut smaḥ amzun di meyya yid-sen i llan… Ur zriɣ ara ma yessuter-it-id s yisem n yergazen teffeɣ lhiba, neɣ s leɛnaya n at n tissas ibɣan talwit; ma yessuter-it-id s yisem n temdint merra, s yisem n tmurt, s yisem n lbaṭel iḍeṛṛun yal ass di tudrin, di temdinin, di ddunit merra. Mmuquleɣ deg-s, asemmiḍ iherres i-yi, allen-iw brant-d i yimetti… Ur ẓriɣ ma yella ttruɣ imi yella urgaz am netta ifehmen, tameṭṭut d tudert, d tamusni, d tafat; tameṭṭut d tilelli, d tiqit itekksen fad; tameṭṭut d lbaḍna anda ulac laman; tameṭṭut d amdan s wallaɣ d wul, d amdan s uḥulfu-s d tezmert-is… mačči kan d aḥeččun a lqum i wumi teqqel nnefḥa ɣer deffir. »

Texte : Taous Ait Mesghat
Adaptation et voix : Hace Mess

IL pleuvait , il ventait et il faisait froid , il commençait déjà à faire nuit et je devais presser le pas . Ce n’est pas facile quand la boue arrive aux chevilles et que les ordures jonchent les trottoirs , mais j’avançais quand même avec précaution , le parapluie à la main comme un funambule sur un fil de soie . Aucun taxi n’avait répondu à mon appel , il faut dire que dans mon pays certains métiers hibernent et il fallait absolument rattraper le dernier bus pour Alger tout en réfléchissant en cours de route à ce qu’on pouvait faire à manger quand on n’a pas eu le temps de faire son marché . Et puis il y avait les godasses du petit que je n’avais pas encore achetées , son école qui commençait à rechigner , l’inscription au bac du cadet , le loyer , les papiers , ces foutus papiers qui tardaient , 4 ans de galère dans les couloirs sombres de la bureaucratie et je ne voyais toujours aucune lueur .. Lueur , oh purée il y avait aussi la facture d’électricité à payer ! J’avançais ainsi perdue dans mes pensées , le parapluie malmené par le vent venait de me lâcher , quand j’entendis soudain une voix interpeller :  » ASSOTRI ROHEK YAL KHAMDJA !!!  » (Couvre toi sale pute !!!) . D’habitude je ne fais pas attention , je ne réagis pas , j’ignore et je continue mon chemin sans me retourner ; c’était tellement récurrent de se faire insulter que nos oreilles ont appris à filtrer , nos cœurs sont devenus imperméables à l’agressivité et nos âmes insensibles face à l’infamie et la vilité . Ce jour là je n’ai pas pu . Il ne pouvait s’adresser qu’à moi , jetais la seule femme dans la rue . Je me suis arrêtée un instant en révisant ma tenue : Bottes , long manteau , cache nez et chapeau . Mais que diable voulait il dire par couvre toi !? De quel droit s’adressait il à moi ?? Je devais comprendre et je suis revenue sur mes pas . Il était toujours là , adossé à la vitrine d’un magasin de chaussures ,un petit freluquet probablement de l’âge de mon aîné . « C’est à moi que tu parles ?  » Surpris , les yeux exorbités , il ne s’attendait pas à ce que je revienne le questionner ; il lâcha les quelques poils de menton qu’il caressait , fît un mouvement de langue sous sa lèvre supérieure pour libérer sa chemma , la cracha , bomba son torse rachitique pour se donner de la contenance et rétorqua : « Ih ntiya assotri rohek ! Khemejtou leblad yal khamjate !!!  » (Oui toi couvre toi ! Vous avez sali le pays sales putes !) « 10cm de cheveux d’une femme de l’âge de ta mère arrivent à t’exciter ?  » « Ne mentionne pas ma mère ! Ma mère est respectable , elle porte le jilbab , pas comme les khamjates comme toi ! » L’incompréhension venait de céder la place à la colère et je sentais ma rage gronder . Petite on m’avait appris que si un mâle me harcelait il fallait viser l’entrejambe et frapper , que la douleur aux testicules allait le paralyser ; en grandissant dans ma société j’ai compris qu’un coup porté à ses vagins était tout aussi douloureux , car des vagins il en avait par procuration , celui de sa mère , de sa sœur , de sa femme et de toutes les filles de la famille étaient siens . Je sais que c’est injuste , que la femme ne devrait pas juger une autre femme , mais c’était plus fort que moi , je maudissais mon sexe qui engendrait ces parasites ; Je fixais le monticule de sa chemma qui se fondait parfaitement dans la boue et le carton marron devenu gluant sous la pluie et sans vraiment réfléchir je criais : « NEDREB JEDEK NDEKHLEK FEL VITRINA ! » Tu sais c’est qui la khamja ?? Ta mère qui t’a chié au monde et qui ne t’a pas éduqué !! Ta sœur qui entretient un raté comme toi pour avoir la paix ! La femelle qui va accepter de copuler avec le rat que tu es ! La khamja c’est celle qui donne son cul en cachant son identité sous le voile de la pureté et qui rafistole une membrane garante de sa virginité !!!!!! Tu sais c’est qui aussi la khamja ? C’est cette rue pourrie qui t’a adopté ! C’est cette société putride qui a fait de toi le tuteur de toutes les femmes que tu peux rencontrer ! C’est l’école obscurantiste qui t’a formaté ! C’est l’imam inculte qui ne t’a appris qu’à mépriser et diaboliser le sexe opposé ! La khamja c’est toi , toi qui te complais dans la saleté , que les ordures , les égouts , la puanteur ne dérangent pas mais que 10 cm de cheveux arrivent à indigner !!!  » J’avais vociféré tous ces mots sales dans un même souffle , ah si ma mère m’entendait , elle m’aurait savonnée ; mais la pression et la fatigue mêlées à la colère et le sentiment d’injustice m’avaient fait perdre tout contrôle sur mes nerfs et ma bouche voulait juste se venger . Il était devenu vert , les yeux rougis , les poings crispés et ses dents gâtées grinçaient , il bégayait des injures sans arriver à formuler une phrase cohérente , il avait clairement très mal , tout aussi mal que si je lui avais asséné un coup de pied aux couilles qu’il n’avait plus . Je tremblais , je ne sais plus si c’était de froid , de peur ou si c’était la rage qui m’ébranlait , mais je tremblais . Je tenais mon parapluie aux branches désarticulées comme on tiendrait une épée , prête à décapiter la bête blessée qui avançait , quand soudain une main l’attrapa au cou et l’immobilisa . C’était le propriétaire du magasin qui venait de sortir , je ne savais pas encore s’il craignait pour sa vitrine ou s’il était juste un homme intègre comme il n’en existe que très peu désormais . Je regardais les pieds du jeune qui se débattaient à vingt centimètres du sol , il venait de le soulever d’un seul bras et le coller contre le mur . « ROH TEKHDEM KHIR MA TAHGAR ENSA OU YEMMAK TEDREB NECHAF ENDE NASS YA WAHED ERKHISSE «  > (Va travailler au lieu de harceler les femmes pendant que ta mère se tape la serpillière chez les gens espèce de vaurien !) Il lâcha le pauvre diable et lui asséna un coup de pied qui ne l’atteignit même pas mais qui réussit mystérieusement à le faire trébucher . Couvert de boue , il traversa la rue en courant et alla se réfugier dans la mosquée Qabaa qui appelait à la prière d’El 3icha .  » SEMHILNA YA TBIBA  » , Le marchand de chaussures me demandait pardon , au pluriel ; je ne sais pas s’il le faisait au nom de tous les hommes , au nom de sa commune , au nom du pays , au nom de la société ou au nom de toutes les injustices subies . Je sais seulement que je pleurais , je ne sais pas non plus si je pleurais de reconnaissance , de fatigue , de rage ou de douleur d’être femme , mais mes larmes pleuvaient . Je repris après cela mon chemin en pensant à toutes les  » KHAMDJATE  » de la nation qui comme moi triment pour survivre et à ce que je pourrais faire à manger , aux godasses du petit , aux charges de son école , au baccalauréat du cadet , au loyer , aux papiers , à la facture d’électricité et …..à un nouveau parapluie ….

[+ 18] Lqeḥba, ger igenni d imeṭṭi

Texte : Taous Ait Mesghat

Adaptation : Hace Mess

Musique : N.I.S

Il venait de la traiter de pute et elle fit semblant de ne pas l’avoir entendu ; elle se baissa pour ramasser ses sous-vêtements bon marché au pied du lit , vêtit la petite nuisette achetée 500 Da à Meissonnier et alluma une Business Royal mentholée pour oublier le goût du pourri qui émanait de lui . Elle se retourna enfin pour lui parler d’une voix douce mais cruellement teintée de mépris .

• « Je t’ai vu à la télé tu sais et j’ai beaucoup, mais vraiment beaucoup rigolé ; tu parlais des valeurs en déperdition dans notre société , de la pureté de la religion et de sa beauté , de la conscience et de l’intégrité , de l’éducation sur les préceptes conservateurs des anciens et de la préservation de l’identité . Il parait que tu es journaliste , tu parles bien mais Dieu ce que j’ai rigolé ; et puis ma petite tête de prostituée s’est demandé si tu ne serais pas de ceux qui prêchent tout le contraire de ce qu’ils sont en réalité et j’ai cherché ton nom sur Google pour lire les articles que tu as publiés ….  » .

• Les yeux delavés écarquillés , la bave sèche au coin des lèvres , de ces lèvres qu’on n’embrasse jamais , il avala une gorgée d’Absolut et lui lança avec dédain : « Depuis quand les prostituées comprennent elles les débats télévisés et les écrits des lettrés ? Tu n’es qu’une analphabète bête comme ses pieds ! »

• Sans se départir de son sourire narquois elle le freina dans sa lancée . « J’ai quitté l’école très jeune mais je ne suis ni inculte ni stupide , la vie m’a beaucoup enseigné . Tiens d’ailleurs je vais t’apprendre une chose qu’un client intellectuel m’a appris dans une soirée . Tu sais le genre d’intellectuel qui porte des lunettes , lit beaucoup et tire sur ce bidule qu’il appelle vaporette ; moi elle me rappelle plutôt le phallus qu’il n’a pas et qu’il voudrait compenser , mais ça c’est dû à la déformation professionnelle il ne faut pas trop le complexer . Je te disais alors que cet intellectuel qui vapote m’a appris que le mot pute venait de putride ou de puer . Tu vois ces sous-vêtements ? Ils ne valent pas cher mais ils sont neufs et jamais portés. J’ai un savon spécial pour mon intimité , je me douche plusieurs fois par jour et je ne fais rien sans me protéger . Je me prostitue mais je ne pue pas , je fais mon travail et je n’aime pas la saleté . Toi par contre tu écris ce que tu ne penses pas , tu prêches ce que tu ne fais pas , tu es l’avocat du diable pour quelques dinars payés . Tu vends ta plume , ton esprit et ton âme pour un poste , pour un logement , pour un voyage ou même pour un permis confisqué . Tu mens à tes lecteurs , tu trahis tes confrères qui ne bradent pas leur dignité et ne monnayent pas leur intégrité . Tu te mets à plat ventre le visage enfoui dans tes faux papiers , tu lèches les bottes et les culs de tes « sidi » de la même langue qui te sert d’épée , tu fais commerce des principes et de la religion pour servir ton opportunisme de scribouillard de caniveaux des torchons et des médias de la vilité . Tu vois, je me prostitue mais je n’ai personne à tromper , je ne prétends pas la vertu quand mon pain est de sperme mouillé ; mais toi tu te prostitues et tu trompes le monde entier .

• De nous deux prostitué.e.s , je crains fort que la pute c’est toi qui l’es et tu auras beau te laver rien ne pourra te purifier . Ton nom est à jamais inscrit dans la poubelle de l’histoire des journaleux de triste renommée  » .

• Les petits yeux delavés rouges de colère , la mâchoire crispée il leva son poing pour la frapper .

• « Ne t’avise surtout pas à utiliser ta force physique sur une femme pour prouver ta piètre virilité ; tu es nu , sans pantalon ni chaussures et je suis dans mes quartiers . Un seul cri et mes collègues fidèles vont te lyncher et à la Une d’Ecchorouk demain on lira [Scandale du journaliste nu chez des prostituées]….Et qu’est ce que je vais encore rigoler ……. » .

• Il sortit de la chambre abattu , la queue entre les jambes comme un chien maltraité et elle lui jeta ses vêtements dans les escaliers . Il rhabilla sa fierté , ravala sa bave , essuya une larme qui perlait de son oeil délavé quand le téléphone a sonné :  » Ahlan Sidi !!! Oui bien sûr à votre service Sidi !! La campagne sera grandiose Sidi !! An3am Sidi !!  » . Et le sourire des vauriens hypocrites sur son visage s’est redessiné en élaborant dans sa tête les textes mensongers dans la langue du prophète qui feront l’éloge de l’élu de la mascarade législative imposée .

Poésie Paillarde kabyle: Chanson de femmes (19 ème siècle)

« Cette chanson est une de celles que chantent les femmes kabyles en tissant la laine ou en tournant le moulin à bras (1800-1860). Elle est l’œuvre exclusive des femmes, comme toutes les chansons du même genre, et il serait fort difficile d’en trouver l’auteur; chaque femme qui se sent inspirée ajoute son couplet et expose ses griefs.  » NDA.