Texte en français : Sabrina Azzi
Adaptation en kabyle : Hace Mess
Tous pour Thaninna En 2015,
Thanina aurait reçu un diagnostic qui n’a pas été reconfirmé depuis. Elle serait atteinte d’une maladie orpheline, l’amyotrophie musculaire spinale avec détresse respiratoire de type 1 (SMARD1). Selon ses médecins, le pronostic vital était de 1 an, donc Thanina devait décéder suite à sa maladie vers l’âge d’un an et demi. À cette époque, l’équipe médicale avait décidé de transférer Thanina aux soins palliatifs et la laisser mourir, mais les parents se sont opposés à cette décision. Malgré le refus des parents, l’équipe médicale a quand-même maintenu Thanina en soins palliatifs d’octobre 2015 à mai 2016 et l’a ensuite placée aux soins intensifs. Depuis trois ans jusqu’à ce jour, Thanina ne reçoit aucun traitement thérapeutique et aucun objectif de soins… Les parents se sont longtemps battus pour que leur enfant ne soit pas maintenue aux soins palliatifs et qu’elle reçoive les soins nécessaires. Leur refus a engendré les conflits dans lesquels ils se retrouvent aujourd’hui. En représailles, ils ont constaté des négligences quant à la prise en charge réelle de leur enfant, ce qui les a amenés à introduire des plaintes auprès des instances concernées. Depuis, un climat de tension s’est installé entre l’équipe médicale et les parents, ce qui a déclenché de gros problèmes de communications.
Le silence m’entoure et m’envahit de sa quiétude monotone. Le doux espoir accompagne ma raison. Je résiste.
Je grandis et je garde le sourire même si, parfois, je verse de mes yeux de ces pluies chaudes qui soulagent les cœurs.
J’ai envie de gazouiller et d’épater les cieux de mon merveilleux chant.
Je manque de voix…
J’ai envie de voltiger comme les plus jolis papillons. J’ai envie de semer mes couleurs sur chacune des fleurs. J’ai envie de me poser sur elles et faire du printemps une mélodie.
Je n’ai pas d’ailes. Je ne connais ni ciel ni fleurs…
Je rêve d’assister au premier lever du soleil du printemps. J’ai envie de veiller sur l’éclosion des bourgeons.
Je manque de force…
Je suis une enfant qui ne vit pas son enfance. Je suis dans mon lit, dans un hôpital, à attendre. Éveillée, la plupart du temps. Rêveuse, la plupart du temps.
C’est quoi le soleil ? A-t-il une couleur? Quelqu’un peut-il me dire de quelle forme est-il ? Est-il grand ? Chaud ? Froid ?
Et les étoiles ? Comment sont-elles? Combien sont-elles ? Sont-elles différentes du soleil et de la lune? Sont-elles toujours dans le ciel ?
Le ciel est-il grand ? Change-t-il de couleur ? Y en a-t-il plusieurs ? Quelqu’un a-t-il réussi à l’atteindre et à marcher sur les nuages ?
Je suis allongée depuis longtemps. J’attends. Le temps passe lentement…
Je suis ce féerique oiseau né pour voler mais qui n’a pas d’ailes. J’ai de belles plumes multicolores qui ne servent qu’à peindre mes douleurs et mes larmes discrètes. Je suis ce tableau accroché au mur, beau, mais immobile et triste.
L’extérieur m’est inconnu. J’ignore à quoi ressemblent les arbres, les rivières et les abeilles. Les abeilles piquent mais comment peuvent-elles donner du miel dont je ne connais ni saveur ni odeur ? Quelqu’un peut-il me les décrire?
Quelqu’un peut-il me décrire ces paysages que je n’ai jamais connus ? Je pourrais ainsi me les représenter et les voir et revoir dans mes pensées durant ces interminables jours et nuits.
Je n’ai pas de caprices. Si j’en avais, saurais-je les exprimer ?
On me nourrit, néanmoins, la nourriture, les boissons et les goûts me sont inconnus !
Je suis née un jour de printemps où la nature chantait la beauté de deux cœurs qui s’aimaient. Je suis née ce jour où l’harmonie et la lumière ont régné sur l’univers.
Non, je ne suis pas orpheline puisque j’ai deux parents. Ils se battent pour moi chaque jour que Dieu fait.
Je les entends parler d’une maladie orpheline. Je les entends dire que la science et la médecine n’arrêtent pas d’avancer. Je les entends aussi dire que l’être humain est un génie. Alors, pourquoi cet ingénieux humain ne me guérit pas ?
Pourquoi il ne trouve pas un remède pour que je vive comme tous ces enfants heureux? Pourquoi ne m’aide-t-il pas à avoir une vie normale avec ma famille ?
Je suis cette petite fille qui vit mais qui ne connais pas la vie. Alitée et entourée d’appareils, je passe mes journées sans connaître la notion de temps. Les jours et les nuits me sont pareils. Aujourd'hui est comme hier et sera comme demain.
Qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente…
Entre les rêves et l’espoir, j’attends…
Sabrina Azzi