Un Marocain (Tahar Ben Jelloun) chez les Kabyles:

Adaptation d’une nouvelle écrite par l’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun.

Les histoires d’amour finissent mal en général et celles que raconte Tahar Ben Jelloun ne font pas exception à la règle. Comme celle de Slimane, le chauffeur de taxi au volant de sa Simca 1000 rouge qui prend un jour à son bord une femme enceinte qui ne sait pas très bien où aller. Slimane lui offre l’hospitalité et l’invite dans son appartement où s’entassent sa femme et ses trois enfants. Mal lui en prend, à peine installée, l’inconnue se montre arrogante et l’accuse d’être le père de l’enfant qu’elle attend. S’ensuit un procès et des analyses qui lavent Slimane de tout soupçon. Non seulement il ne peut être le père de l’enfant à naître mais, il l’apprend par la même occasion, d’aucun de ses enfants puisqu’il est stérile. L’histoire est inspirée d’un fait divers authentique. C’est d’ailleurs le mérite des vingt et une nouvelles qui composent ce recueil que d’évoquer les malentendus et les ambiguïtés des relations entre l’homme et la femme arabes avec une verve de conteur héritée des Mille et une Nuits et l’authenticité d’une véritable analyse sociologique. https://www.bibliothequesonore.ch/livre/12634

Asgunfu n wussan

Adaptation libre du poème « Avec le temps » de Léo Ferré.

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s’en va
On oublie le visage et l’on oublie la voix
Le cœur, quand ça bat plus, c’est pas la peine d’aller
Chercher plus loin, faut laisser faire et c’est très bien

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s’en va
L’autre qu’on adorait, qu’on cherchait sous la pluie
L’autre qu’on devinait au détour d’un regard
Entre les mots, entre les lignes et sous le fard
D’un serment maquillé qui s’en va faire sa nuit
Avec le temps tout s’évanouitAvec le temps
Avec le temps, va, tout s’en va
Même les plus chouettes souvenirs ça t’as une de ces gueules
À la gallerie j’farfouille dans les rayons d’la mort
Le samedi soir quand la tendresse s’en va toute seule

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s’en va
L’autre à qui l’on croyait pour un rhume, pour un rien
L’autre à qui l’on donnait du vent et des bijoux
Pour qui l’on eût vendu son âme pour quelques sous
Devant quoi l’on s’traînait comme traînent les chiens
Avec le temps, va, tout va bienAvec le temps
Avec le temps, va, tout s’en va
On oublie les passions et l’on oublie les voix
Qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens
Ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s’en va
Et l’on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l’on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l’on se sent tout seul peut-être mais peinard
Et l’on se sent floué par les années perdues, alors vraiment
Avec le temps on n’aime plus

Source : LyricFind

Un Palestinien chez les Kabyles

Le texte de Ttxil-em est né de la lecture de ce passage, un des beaux poèmes de Mahmoud Darwich.



Mais je suis l’exilé.

Prends-moi sous tes yeux

Où que tu sois prends-moi

Rends-moi la couleur du visage et du corps

La lumière du cœur et des yeux

Le sel du pain et de la mélodie

Rends-moi le goût de la terre et de la partie !

Prends-moi sous tes yeux

Prends-moi comme une peinture dans la chaumière des soupirs

Prends-moi comme un verset dans le livre de ma tragédie

Prends-moi comme un jouet, une pierre de la maison

Afin que la génération future

Sache reconnaître

Le chemin de la maison

Musique : Vezza

(Mahmoud Darwich, Rien qu’une autre année, traduction A. Laâbi, Minuit, 1983)

Le mariage de Taninna

 » Aucun des membres de la société où ces poèmes ont été recueillis n’est capable de les réciter tous, ni même une notable partie. Mais il en sait l’existence, et que quelqu’un dans le monde, en définitive familier, qui l’entoure les connaît et les dit.  » Ces poèmes épiques, politiques, hagiographiques, gnomiques de l’ancienne société berbère de Kabylie (celle des tribus et des cités) ont été recueillis  » avant que la mort ne les happe « . Des marabouts de Kabylie du XVIe siècle à la domination turque puis coloniale jusqu’au début du XXe siècle, la poésie berbère véhicule les canons et les idéaux d’une culture ancestrale. L’esthétique propre de cette tradition orale est ici consignée, pour sa propre sauvegarde, par écrit :  » Le temps n’est plus où une culture pouvait se tuer dans l’ombre, par la violence ouverte, et quelquefois avec l’acquiescement aliéné des victimes. En ce siècle de monde rapetissé, où les contraintes d’une civilisation technicienne tendent à niveler la vie des hommes, désormais la somme des variantes civilisationnelles fait peau de chagrin ; il n’est pas vain d’en pouvoir sauvegarder le plus grand nombre.  »

Mouloud Mammeri.

Un Grec (Ésope) chez les Kabyles

Aniwa i d yeğğan taḍṣa ?

L’ÂNE, LE COQ ET LE LION

Un coq paissait un jour en compagnie d’un âne. Comme un lion marchait sur l’âne, le coq poussa un cri, et le lion (on dit en effet qu’il a peur de la voix du coq) prit la fuite. L’âne, s’imaginant que, si le lion fuyait, c’était à cause de lui, n’hésita pas à lui courir sus. Quand il l’eut poursuivi jusqu’à une distance où la voix du coq n’arrivait plus, le lion se retourna et le dévora. Et lui disait en mourant : « Malheureux et insensé que je suis ! n’étant pas né de parents guerriers, pourquoi suis-je parti en guerre ? »

Cette fable montre que souvent on attaque un ennemi qui se fait petit à dessein et qu’on se fait ainsi tuer par lui.

La cigale et la fourmi version 21 ème siècle

« La Cigale, ayant chanté
Tout l’Été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’Oût, foi d’animal,
Intérêt et principal.  »

Jean de La Fontaine , Les fables de La Fontaine , ill. Thomas Tessier